1. Ibra Kassé, le précurseur

Vers la fin des années 50, Ibra Kassé, après quelques années passées en France, rentre au bercail. Il se lance dans les affaires, en créant un restaurant nommé "Le Bon Coin Parisien". L’établissement connaît un succès fulgurant, car fréquenté par les jeunes cadres de la bonne société sénégalaise.
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La porte du Miami
Les affaires marchent, mais un cousin d'Ibra Kassé, surnommé Kassé Plus, lui suggère d'aller plus loin et de faire de son restaurant un night-club. Ibra s'exécute et crée ainsi le Miami. Il lui reste à trouver des musiciens capables de ravir la vedette aux groupes phares de l'époque, à savoir le Tropical Jazz, le Guinea Jazz et le Harlem Jazz entre autres. 
Il avait déjà créé le Star Band quelques temps avant, et n'eut aucune difficulté à enrôler les pointures du Guinea Jazz (avec Dexter Johnson en tête d'affiche) et du Tropical Jazz. Ainsi, le Star Band devint une sorte de dream team avec Dexter Johnson aux vents, Jose Ramos à le guitare, Lynx Tall, Mady Konaté, Sidate Ly (basse)et le premier lead-vocal, Manu Gomez.
Le fonds musical du Star Band est basé sur la musique cubaine pour marquer une certaine rupture avec l’influence française.

2. Les premiers enregistrements

Entre 1960 et 1970, le Star Band n'édite pas de disque. Ceux qui voulaient écouter la musique tant prisée du groupe phare de Dakar, devaient se rendre au Miami. Mais, un tournant va être pris avec la popularisation du vinyle. Entre-temps, vous vous doutez bien que le Star Band avait fortement changé et était devenu une école de musqiue, accueillant de jeunes (et grands) talents pour en faire des stars. Et le symbole du Star Band du début des années 70 est Pape Seck "Serigne Dagana".
Pape Serigne Seck est né à Saint-Louis en 1946. Et Dieu l'a doté d'une voix extraordinaire. Extraordinaire dans le sens où il avait ce grain éraillé unique. Ce que les gens ignorent, c'est qu'il était aussi un grand saxophoniste. D'ailleurs, l'intro magnifique du "Thiely" original, c'est lui. Imaginez juste que lors des prises de son - à l'époque, il n'y avait qu'une piste d'enregistrement (mono)-, il jouait son intro et chantait derrière... 
Il fit d'abord le bonheur du Star Jazz de Saint-Louis où il se fait connaitre via son tube "Laax bi".... Mais, pour gagner en renommée, il comprend qu'il doit "monter" à Dakar. Ce qu'il fait en 1964.
Ainsi, le Volume 1 du Star Band porte son empreinte. Cet album est paradoxalement le sommet du Star Band. Il ne contient que des tubes tels Bamos pa'al monte, Caramelo, Cheri Coco, Senegambia et le bijou: Thiely
Le Volume 2, quant à lui, est porté par Doudou SowMar Seck et Magatte Ndiaye, trois excellents chanteurs. Des chansons comme Simbonbon et Gossando ont aussi marqué les aficionados.


3. La première scission

Les volumes 3 et 4 sont aussi d'excellents opus, symbolisés par la présence accrue du maestro Laba Sosseh.
Ainsi, la pierre angulaire du volume 3 est l'excellent "Solla". Quelle voix Laba! A écouter aussi: "Mama Yassima"...




Mais, les problèmes ne tardent pas et une première scission a lieu en 1971, quand des musiciens dissidents créent l’orchestre Saf Mounadem. Le gouvernement du Sénégal crée dans le même temps une boite de nuit, le Bawobab, dans le but de divertir les pontes du pouvoir ainsi que leurss hôtes prestigieux. Ils cherchent donc un orchestre qui se pourrait se produire dans ladite boite. Ce sera le Saf Mounadem qui prendra assez vite le nom d’Orchestre du Bawobab.

4. La naissance du Baobab

On peut dire que le Président Senghor est à l'origine des premières défections au sein du Star Band. En effet, en 1970, le gouvernement de Senghor crée à deux pas de l'Assemblée nationale - au 144 rue Jules Ferry - une boite de nuit dans le but d'entretenir la Jet-Set dakaroise et les hôtes de marque du pays.
Senghor charge donc Adrien Senghor, Ousmane Diagne et Dame Dramé de recruter la crème des musiciens sénégalais pour former un orchestre digne de jouer dans ce qui serait la vitrine musicale du Sénégal.
Mais, avant même le recrutement des musiciens, le Président impose le nom de BAOBAB, cet arbre étant un des symboles de la République. C'est ainsi que naît le Baobab Club.
Adrien Senghor et ses ouailles s'inspirent du Bembeya Jazz pour mettre sur pied l'orchestre. Ainsi, le saxophoniste Baro Ndiaye devient le premier chef d'orchestre du Baobab et on lui adjoint Sidate Ly (bassiste).
Ces deux grands musiciens débauchent alors des membres du Star Band avec, semble-t-il (mais j'en doute) la bénédiction d'Ibra Kassé: Barthelemy Attisso, Balla Sidibé, Rudy Gomis, Medoune Diallo et Issa Cissokho. Ce dernier est alors un jeune saxophoniste formé par Dexter Johnson lui-même et deviendra avec le départ de Baro Ndiaye un des leaders de l'orchestre. A ces musiciens, s'ajoute le géant de la musique traditionnelle: Laye Mboup qui est alors membre de l'Ensemble Instrumental du théâtre Daniel Sorano.
C'est ainsi qu'en 1972, paraissent les 2 premiers albums du Baobab, avec le fabuleux Mbeugel de Laye Mboup, duquel Youssou Ndour a tiré Plus Fort.

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5. Le Number One débarque en force

La concurrence du Baobab est très dure pour le Star Band. Ibra Kassé produit tant bien que mal les volumes 5, 6 et 7 du Star Band, enregistrés par l'Orchestre Laye Thiam (Vol.5 & 7) et le duo Idrissa Diop - Cheikh Tidiane Tall (Vol.6).

Cependant, le coup le plus rude est porté par Pape Seck et ses amis. Suite à un profond différend avec Kassé, ils claquent la porte. Pape Seck, Doudou Sow, Yakhya Fall, Thierno Koite notamment créent donc un orchestre qu'ils baptisent Star Number One pour signifier au vieux Kassé que ce sont eux les meilleurs.
Le Star Number One enregistre vite un album intitulé MAAM BAMBA pour lancer le groupe. Cet album est d'une grande qualité, contenant de superbes plages telles Waalo, Ndaga Seeri Boy et Maam Bamba. Le succès est au rendez-vous, et ils frappent encore plus fort quelques mois plus tard avec l'album JANGAAKE.
JANGAAKE est, a posteriori, un des plus beaux albums des années 70. Liiti Liiti lancera la mode du "Obligé waadadaa"... C'est un immense succès populaire. Et je ne parle même du fantastique Maccaki où Pape Seck s'adresse directement à Ibra Kassé en ces termes: "Taal bu Yalla taal, sanni ca matt'a gën fay ko....".. Avec le morceau  Jangaake, ils explorent le répertoire traditionnel sénégalais.
Pape Seck est au sommet de son talent. Yakhya Fall impose son doigté formidable. Le Star Number One devient en 2 albums l'orchestre numéro 1 du Sénégal.

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6. Laye M'Boup quitte la scène

Le 23 juin 1975 restera à jamais un jour funeste pour la musique sénégalaise. En effet, sur la route de Saint-Louis, l'illustre chanteur est victime d'un accident et meurt sur le coup. Il avait 38 ans. Sa disaprition plongera le pays dans une tristesse profonde. Il faut comprendre que Laye Mboup était à l'époque une des grandes stars du Sénégal. Son destin était paticulier, car Laye Mboup disait à ceux qui voulaient l'entendre qu'il n'aurait pas une longue vie. Thione Seck, son protégé, confiera d'ailleurs qu'il lui avait dit, devant sa mère, cette terrible phrase 15 jours avant sa mort: "je ne serai bientôt plus là, mais tu seras mon digne successeur...".
Durant cette même année 1975, le Baobab continuera d'oeuvrer et les disques foisonnent. En effet, cette années, ils sortent 4 albums: '75', GUY GU REY GI, VISAGE DU SENEGAL et ADUNA JARUL NIAAWOO et un chapelet de tubes dont les plus marquants seront: Seeri Koko, Baobab Guy Gi, Jaraaf, Feccal waay sama xol, Sama xol bul dem (repris plus tard par le même Médoune Diallo au sein d'Africando sous le titre Xale Bile), et surtout le fabuleux Aduna jarul ñaawoo. Un morceau d'une tristesse fantastique, poignant! A écouter et réécouter!


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7. Star Band, la renaissance

L'année 1978 est marquée par un profusion d'albums, aussi bien du Number One, du Baobab, mais aussi du Star Band renaissant. Nous reviendrons sur les productions des 2 premiers cités, mais parlons d'abord du Star Band.
Comme je vous le disais précédemment, le Star Band avait subi une hémorragie de talents très importante ayant conduit à la formation du Baobab et du Number One entre autres. Mais, Ibra Kassé demeure un formidable dénicheur de talents. Et lance dans le grand bain un jeune homme de 18 ans, Youssou N'Dour. (Voir ici)
Il participe aux 5 derniers albums du Star Band (Vol. 8, 9, 10, 11 et 12) tous parus en 1978, dont voici une playlist.


8. Le Number One toujours au top

Durant cette année 1978, le Star Number One devient le Number One de Dakar pour ne plus entretenir la moindre confusion avec l'orchestre d'Ibra Kassé. Ils gravent ainsi deux volumes avec leur lot de tubes comme l'extraordinaire Diongoma, Nongui Nongui, Yaye Boye.

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9. Le Baobab aussi frappe fort

Nous terminons notre triptyque consacré au millésime 1978 avec le Baobab qui a fini d'intégrer Thione Seck. Comme le Star Band et le Number One, ils frappent fort. Ils sortent d'abord l'album NDELENG NDELENG, et enregistrent dans la foulée une soirée au JANDEER qu'ils éditent et intitulent Une nuit au Jandeer. Le Jandeer était un night-club qui se trouvait dans le quartier de Soumbédioune.
Ces deux albums sont gorgés de pépites tels Ndeleng Ndeleng, On verra ça, Jiin ma Jiin ma, Sey. Mais, LE joyau est sans aucun doute Tante Marie. Oh la la! Qui n'a pas eu la chair de poule en écoutant Rudy Gomis et ses potes dans cette complainte contre le délaissement.
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A la fin de l'année, paraît le double album Baobab à Paris, et là aussi, c'est du très lourd. Le meilleur opus du Baobab jusque-là. Le grand public découvre Sibam, El son de llama et Thiossane entre autres. Cerise sur l'excellent gâteau: Won ma ma giss. Quel morceau! Quel rythme! Ils ajoutent au double album un 45 tours qui contient un morceau (à mon humble avis) trop méconnu: Juana. Et pourtant, Juana est d'une qualité exceptionnelle. Rudy Gomis y est (encore) insolent de talent et que dire des choeurs de Médoune Diallo. Le tout accompagné par le soprano saxophone de Thierno Koité....

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10. Le Number One inaugure la décennie 80

En 1980, le Number One enregistre deux albums: le volume V - YORO et le volume VI - NAFISSATOU NDIAYE.
Deux opus marqués par deux bijoux de Pape Seck: Medoune Xule et Yoro.

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11. Pendant ce temps là, en Gambie

Quittons un peu le Sénégal pour évoquer un groupe de légende qui a marqué d'une empreinte in délébile la fin des années 60, et ce jusqu'au milieu des années 70: les Super Eagles de Banjul.
En 1967, Badu Joop et Pap Turay forment un orchestre, introduisant pour la première dans un orchestre gambien des sonorités moderrnes.
Pap Turay est le lead vocal du groupe et sa voix est exceptionnelle. Il reprendra d'ailleurs plusieurs standards de la musique pop et ses ré-interprétations telles Hey Jude, False Love sont d'une justesse incroyable.
En 1973, le groupe change de nom et adopte le nom d'Ifang Bondi pour mieux coller au panafricanisme ambiant.
Ci-dessous une playlist de leurs plus grands succès, en commençant, bien sûr, par le joyau: Mandal Li.

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12. L'éphémère Ngewel International

Vers le fin des années 70, quelques transfuges du Star Band, du Number One et du Baobab créent l'orchestre Ngewel International. J'ai nommé là Pape Djiby Ba, Pape Mboup, Marcel Nunez et le guitariste Faly Thiam.
Ils sortent deux albums de qualité, mais très vite, le groupe se disloque, Pape Djiby Ba en profitant pour co-créer l'Orchestre National.

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